Soudain le réel devient irréel.

Nous vivons un moment de grâce, un moment de grand imprévu, un moment fantôme, un moment d’une extrême violence.

Dans ces cas là, l’histoire ne dit pas tout, car il n’y a pas de mot que l’histoire connaisse pour décrire cela.

Nous avons écrit et collecté à trois, Marie Gibaud, Gabriela Jiménez et moi-même, des moments de nos vies qui nous ont semblés irréels. L’enjeux étant de fusionner nos mémoires respectives et de mettre en mouvement une collection de souvenirs intenses,idiots, troublants, violents.

Je n’ai jamais aimé le mot souvenir. Je pense que son sens est trop vaste. Tout est souvenir. Il est même devenu un concept capitaliste tel le magasin de souvenirs. Le problème étant qu’on n’entend pas dans ce mot la puissance et le pouvoir de quelque chose qui reste et avec lequel on continue de vivre.
 

Ce duo a comme enjeux la cohabitation du son (un drone vibrant qui tient dans sa musicalité et sa voix nos témoignages) et de nos deux corps qui dansent. L’idée n’étant surtout pas d’illustrer les textes, mais de leur donner justement une autre lecture. En les dansant, nous les idéalisons, nous les détruisons, nous leur rendons hommage.

En tant que danseuses, ce duo demande à Marie Gibaud et moi-même de défaire notre blindage, de déshabiller nos mémoires et nos chagrins.

Nous rentrons sur le plateau, déterminées à donner et même à envahir de manière indélébile la mémoire du spectateur. Ce duo tente de transmettre ces marques, qui sont les cicatrices de nos échecs, de nos joies et de toutes nos contradictions.